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Le Nobel de la paix 2025 à la cheffe de file de l’opposition vénézuélienne : la "libératrice" María Corina Machado

Le comité Nobel norvégien a distingué María Corina Machado pour ses efforts "en faveur d'une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie". Une figure clé, fédératrice, au sein d'une opposition autrefois profondément divisée; notamment surnommée la "Margaret Thatcher vénézuélienne".
"En tant que leader du mouvement démocratique au Venezuela, María Corina Machado est l'un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps" selon le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes, à Oslo. Elle a réussi l'unification de l'opposition au moment où "le Venezuela est passé d'un pays relativement démocratique et prospère à un État brutal et autoritaire en proie à une crise humanitaire et économique", a ajouté le président du comité Nobel.
Au cours de l'année écoulée, "Mme Machado a été contrainte de vivre dans la clandestinité. Malgré les graves menaces qui pèsent sur sa vie, elle est restée dans son pays, un choix qui a inspiré des millions de personnes", a rappelé le comité. En septembre 2024, elle avait expliqué à l’AFP vivre parfois "des semaines sans contact humain", déclarant : "Je suis là où je me sens le plus utile pour la lutte. Si quelque chose m’arrive, la consigne est très claire (...), personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté."
"Je dédie ce prix au peuple souffrant du Venezuela et au président Trump pour son soutien décisif à notre cause !", a affirmé María Corina Machado dans un message en anglais sur X. "Nous l'emporterons", a assuré l'opposante vénézuélienne dans sa conversation avec le comité Nobel. "Je suis très reconnaissante au nom du peuple vénézuélien. Nous n'y sommes pas encore", a-t-elle dit, réveillée en pleine nuit par l'appel, filmé, du secrétaire du comité Nobel, Kristian Berg Harpviken, qui l'a informée, la voix étranglée par l'émotion. María Corina Machado qui s'est déclarée par ailleurs, via une vidéo de son équipe de presse, "sous le choc, mais de joie". Et d'ajouter sur X : "Cette immense reconnaissance de la lutte de tous les Vénézuéliens est un élan pour achever notre tâche : conquérir la liberté. Nous sommes au seuil de la victoire et aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur le Président Trump (...) Le Venezuela sera libre !"
Une libérale persécutée depuis des années et un slogan : "Jusqu'au bout"
Fille d'un important homme d'affaires métallurgiste et d'une psychologue, aînée d'une famille de quatre enfants, María Corina Machado a entamé son parcours politique en 2002 avec la création de l'association Sumate (Rejoins-nous). Elle a vu sa notoriété exploser lors des primaires de l'opposition en octobre 2023, recueillant plus de 90% des voix lors d'une démonstration de force avec 3 millions de votants. Qualifiée un jour de "bonne bourgeoise" par l'ancien président Hugo Chávez, elle est passée par une école catholique privilégiée à Caracas et un pensionnat à Wellesley, dans le Massachusetts. Dans une interview accordée au New York Times, elle qualifie sa jeunesse d'"enfance protégée du contact avec la réalité".
Réputée franche, celle qui avait choisi "Jusqu'au bout" comme slogan de campagne est rapidement devenue une favorite des sondages face à Nicolás Maduro, également surnommée la "libertadora" ("libératrice"), en hommage au "libertador" Simón Bolívar. Mais fin janvier 2024, la Cour suprême, souvent accusée d’être aux ordres du pouvoir, confirme son inéligibilité pour corruption présumée et trahison, après avoir soutenu les sanctions américaines contre le gouvernement de Nicolás Maduro. Déjà persécutée depuis des années, elle se voyait "disqualifiée pour quinze ans". Ce qui ne l'empêchera pas ensuite d'apparaître subitement à des coins de rue pour monter sur un camion-podium, haranguer la foule puis disparaître rapidement en moto pour échapper à une arrestation.
Sur notre antenne, fin 2023, Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine contemporaine à l’Université de Rouen et chercheur à l’ERIAC (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles), voyait en cette ingénieure diplômée en finance "une personne d'un libéralisme dogmatique, pur idéologiquement. Une de ses propositions lors de la primaire était de privatiser l'entreprise pétrolière publique, en très mauvais état aujourd'hui mais un peu la poule aux oeufs d'or du Venezuela". D'ajouter qu'"elle était vue comme une députée à l'extrême droite de l'espace politique vénézuélien, avec une demande de renverser le chavisme par la force avec l'aide des États-Unis".
L'an dernier, trois mois après la réélection contestée de Nicolás Maduro, l'Union européenne avait déjà distingué les deux principaux opposants au président du Venezuela. Le prix Sakharov, la plus haute distinction de l'UE pour les droits humains, était revenu à María Corina Machado et à l'ancien candidat à la présidentielle Edmundo González Urrutia.
Les réactions, notamment à la Maison Blanche et à l'Élysée
Le Nobel de la paix échappe donc à Donald Trump qui n'avait pas caché son désir de le remporter cette année. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le président américain martèle qu'il "mérite" le prix, revendiquant un rôle dans la résolution de huit guerres, dont celle de Gaza. Une affirmation largement exagérée, selon les observateurs.
"Le président Trump continuera à conclure des accords de paix, à mettre fin aux guerres et à sauver des vies", a réagi le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung, sur X. "Le comité Nobel a prouvé qu'il faisait passer la politique avant la paix". "Il a le coeur d'un humanitaire, et personne d'autre que lui ne saura déplacer des montagnes à la seule force de sa volonté", a-t-il ajouté au sujet de Donald Trump.

Emmanuel Macron s'est entretenu avec la récipiendaire et a salué "son courage et son engagement résolu en faveur de la démocratie et de la liberté au Venezuela" et a exprimé "la reconnaissance de la France pour son action. C’est la juste récompense de son combat".
Aujourd'hui exilé en Espagne, Edmundo González Urrutia a salué un prix "mérité", tandis que l'ONU a estimé que ce Nobel reflétait les aspirations des Vénézuéliens à des élections "libres et équitables".

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